C’était un professeur paisible, à la politesse subtile, aux manières de grand seigneur. Pourtant, allez savoir pourquoi il avait pris à son service le plus mauvais des serviteurs qui se puisse voir ici-bas.
Grossier, sale, rogneur, une vraie catastrophe. Il rabrouait les invités, détestait qu’on lui donne un ordre, servait mal, râlait contre tout, se mouchait le nez dans ses doigts et les essuyait aux rideaux. La vaisselle, n’en parlons pas.
Quand il acceptait de la faire, c’était la foire aux pots cassés. Bref, cet homme ne valait rien, et son patron lui passait tout.
– Débarrasse-toi de ce bougre, lui dit un jour un bon ami. Franchement, il te fait du tort.
– Le chasser ? Non, je ne peux pas, lui répondit le professeur. En vérité, il est mon maître. J’apprends beaucoup auprès de lui.
L’autre s’étonna.
– Ce goujat ? Ce baudet arrogant, stupide ? Regarde-le. Trois jours de barbe, le front bas, les sourcils épais, un regard de préhistorique. Ton maître, ça ? Dis, tu m’inquiètes.
L’érudit sourit, soupira, but une gorgée de son thé et répondit :
– Il m’est précieux. Il me rend tous les jours meilleur, et ses leçons sont incessantes. Oui, c’est un maître incomparable, et grâce à Dieu, il vit chez moi.
– Mais que t’apprend-il ???
– La patience.
Henri Gougaud, Petits contes de sagesse pour temps turbulents
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Marie Bertolotti
desirdetre.com