L’amour est irrationnel

Il échappe au contrôle de la raison, il pousse à des actes que nous n’accomplirions pas si nous n’étions pas amoureux. Quand on aime quelqu’un, on ne contrôle plus rien, on ne comprend pas ce qui nous arrive, on peut même tomber fou amoureux. Fou.
L’amour est un mystère parce qu’il échappe à toute logique intellectuelle. Dans de nombreuses œuvres, on voit le conflit fatal entre l’amour et le devoir, la passion et la raison. Pour les romantiques, l’amour est une expérience absolue qui nous enlève notre souveraineté. C’est un sentiment transcendant, on se sent porté par une force mystérieuse à laquelle on ne peut que s’abandonner. Il est irrationnel, car il écrase la raison.

Une preuve ?

La raison voudrait que l’on soit porté à aimer des personnes qui nous font du bien, qui nous élève. Or, on voit bien que dans les faits, ça ne fonctionne pas. On connaît tous une personne qui n’arrive pas à quitter quelqu’un qui lui fait du mal. Quand on regarde ça de l’extérieur, ça nous parait aberrant et absurde. On ne comprend pas cette acceptation d’une souffrance que l’on pourrait éviter. Et encore moins l’idée d’aimer celui ou celle qui nous fait souffrir.
Seulement, si on ne le vit pas, on ne peut pas comprendre. La personne amoureuse se rend compte du caractère illogique de son sentiment, mais elle ne peut pas s’en extraire. L’amour fait plier la raison qui ne peut plus décider.

La liste des qualités

L’amour n’est pas le résultat d’une évaluation des qualités de l’autre. Si ça l’était, on pourrait alors décider de tomber amoureux ou de ne plus l’être. C’est comme si on pouvait faire la liste des qualités de l’autre et qu’à l’issue de cette liste, après avoir coché toutes les cases, on pouvait arriver à la conclusion que ça y est ! On est amoureux.
Ça ne marche pas, même si les applications de rencontres veulent nous y faire croire. On ne tombe pas amoureux d’un profil ou d’une liste de qualités. On tombe amoureux d’un regard, d’un sourire, d’une voix, d’une odeur. Parce que l’on vit une éruption volcanique, un tremblement de terre. C’est ça l’amour. Ce n’est pas le résultat d’un algorithme. On peut vous promettre de rencontrer une personne qui a toutes les qualités que vous recherchez, mais pas l’amour.
Vous ne savez pas comment vous allez rencontrer l’amour. Ça peut-être chez une personne qui coche tous les critères, mais ça peut être chez une personne qui n’en coche aucune. On aime quelqu’un parce qu’il fait vibrer quelque chose en nous, et c’est parce que nous l’aimons que nous lui trouvons des qualités. On aime, puis on trouve les qualités qui viennent justifier nos sentiments.
Quand vous décrivez votre amoureux à une amie, vous êtes enthousiaste, vous avez des étoiles dans les yeux. Vous lui faites la liste de toutes ses qualités, pour autant, votre amie n’en tombera pas amoureuse. Pourquoi ? Parce qu’on ne tombe pas amoureux d’une liste de qualités. Vous essayez juste de rationaliser et de justifier votre amour, surtout pour vous rassurer de ne pas être assujetti à cet amour. C’est une illusion.

Connaître par le cœur

L’amour, c’est ce qui nous fait gagner du temps dans la recherche du partenaire idéal. On sait que c’est elle. On sait que c’est lui. C’est une ligne directe qui nous permet de savoir qui est fait pour nous rapidement. Cette reconnaissance de l’autre est immédiate, on le sent, on le sait. On ne peut pas le démontrer, ni le justifier rationnellement. C’est ce qui fait sa puissance. C’est un chemin direct, tout questionnement est alors superflu.
Parfois, la réflexion est l’art de compliquer les choses simples, l’art de nier l’évidence au prix d’une dépense d’énergie considérable. On ne peut démontrer cet amour, il est une évidence comme 2+2=4. Et qu’est-ce qu’une évidence ? La reconnaissance immédiate de la vérité, un savoir qui ne s’obtient pas grâce à la raison. C’est ce que Pascal appelle : « Connaître par le cœur ».

Qu’en est-il de la foi ?

La nuit de feu de Pascal

Et bien, c’est pareil ! La foi vous tombe dessus et cela perturbe fortement votre raison quand cela arrive. Pascal l’a vécu durant ce qu’il a appelé sa nuit de feu. J’ai vécu, il y a longtemps, le même genre d’expérience, cela a complètement changé ma vision du monde et cela m’a aussi donné une confiance inébranlable. Bien évidemment, ce que j’ai vécu était indémontrable et inexplicable pour le peu de proches à qui je l’ai raconté à l’époque, mais aussi pour moi et ma raison qui avons longtemps cherché à comprendre ce qui c’était passé, ce soir-là, dans la forêt.
Revenons à nos moutons, dans la phrase, « le cœur a ses raisons que la raison ignore », Pascal explique le rapport entre la foi et la raison. Il veut montrer que l’on ne peut connaître Dieu que par l’ouverture du cœur.
Pascal insiste sur le fait que la raison ne peut pas tout savoir, que les vérités du cœur sont souvent indémontrables, mais que pour autant, on ne peut pas en douter. Comme quand vous tombez fou amoureux. D’où son idée qu’il est inutile de vouloir démontrer l’existence de Dieu. Comme il est inutile de vouloir démontrer à votre meilleure amie que votre compagnon est absolument génial.

Le cœur ne se trompe jamais

C’est ce qui pollue et obscurcit le cœur qui nous fait nous tromper. Apprendre à l’écouter, c’est apprendre à ne pas écouter ce qui l’empêche de s’exprimer. À ne pas écouter les bruits de la raison qui cherchent à s’opposer à lui ou qui cherchent à le contredire.
La raison se nourrit de nos peurs, de nos angoisses, de nos traumatismes. On trouve ça chez les hyper-prudents qui souvent, ont vécu un traumatisme qu’ils ne veulent pas revivre. Dans ce cas, elle n’est plus fiable puisque mise au service de la peur. La raison n’est pas toujours objective, elle subit l’influence de nos affects.

Au final

Ce qui est le plus vrai est, en même temps, au plus profond de nous, et c’est pour cela que les messages du cœur sont si difficiles à entendre. Lorsque l’on n’entend plus la voix de son cœur, le problème ne vient peut-être pas de lui, mais de notre capacité à l’entendre. Il peut être intéressant de retirer le bruit de nos vies, de réduire la cacophonie de notre mental, de nos doutes, de nos peurs. Ce ne sont que des ombres irréelles, des fantômes sans pouvoir, qui disparaîtront dès qu’on aura accepté de laisser entrer la lumière.

Tiré des enseignements du Précepteur sur Patreon

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Marie Bertolotti