J’adore ce texte de Jack Kerouac ! Et je m’identifie souvent à cette description de femmes rebelles.

“Trinquons à ces folles. Les mésadaptées, les rebelles, les faiseuses de trouble. Des chevilles rondes dans des trous carrés. Celles qui voient les choses différemment. Elles ne sont pas portées sur les règlements. Et elles n’ont aucun respect pour le statu quo. Vous pouvez les citer, être en désaccord avec elles, les glorifier ou les vilipender. La seule chose que vous ne pouvez pas faire, c’est de les ignorer, parce qu’elles changent les choses. Elles inventent. Elles imaginent. Elles guérissent. Elles explorent. Elles créent. Elles inspirent. Elles poussent la race humaine vers l’avant. Peut-être faut-il qu’elles soient folles. Parce que celles qui sont assez folles pour penser qu’elles peuvent changer le monde, ce sont celles qui le font.”
Jack Kerouac

L’énergie créatrice des femmes

Lorsque j’étais lycéenne, je n’étais pas à la mode ! Je ne connaissais pas la mode !
J’ignorais ce que cela voulait dire, d’abord parce que venant d’une famille désargentée, on n’en avait ni les moyens, ni le désir, et ensuite parce que c’était une culture très éloignée de notre quotidien.

J‘avais cependant l’énorme chance de savoir coudre, et me fabriquais alors des vêtements avec tous les bouts de tissu qui me tombaient sous la main : vieilles robes ou tabliers de ma mère, bouts de torchon, lambeaux de nappes. J‘agrémentais mes créations de fils tressés, de bouts de laine, de boutons de couleurs ou graines séchées récupérées dans notre jardin, de broderies chipées chez ma grand-mère, avec un art incroyable pour marier les matières et les couleurs. Le résultat était toujours étonnant  et … suscitait l’admiration de mes copines. “Mais où vas-tu chercher toutes ces idées ? » me disaient-elles.

Comment ai-je pu concilier cette liberté d’inventer, cette démesure créatrice avec mon éducation rigoureuse et puritaine, avec messe tous les dimanches et chorale à l’église?
Comment ai-je su faire cohabiter cette liberté d’oser, de créer, d‘inventer, avec les strictes règles familiales qui exigeaient les repas à table, et à l’heure ! L’interdiction de fixer un adulte dans les yeux, et la virginité avant le mariage … ?
Comment alors ai-je acquis ce droit d’être cette presqu’adulte sans frontière, déjà si affirmée dans mon désir de faire vraiment ce que je désirais et de ne me fixer de limites que lorsqu’elles supposaient un rapport au sens moral ?
Ces contradictions m’ont toujours questionnée.

Deux femmes en une !

J’aime l’inattendu, les surprises, les moments explosifs et non préparés. Mais je ne conçois pas de vivre sans discipline, ni règles !
J’apprécie que tout soit clair et organisé. Je suis rassurée par un projet construit longtemps à l’avance avec un temps nécessaire pour parer aux imprévus.
J’aime établir les contours de ce qui est possible et le métier que j’ai exercé m’a permis de mettre en pratique et de confirmer que l’ordre facilite beaucoup nos vies quotidiennes.
Mais j’aime surtout la rebelle imprévisible toujours tapie, et qui n’est pas loin !
Je veux bien organiser des voyages, mais ne saurai pas vous dire dans quel hôtel je dormirai à mon arrivée dans un pays que je ne connais pas du tout et que je visite pour la première fois !
Je suis citoyenne et mère, épouse et amie, éprise de paroles et d’actes libres et non contraints.

Mais cette rigueur, cet ordre, cette discipline que j’affectionne font référence au respect que je porte à ce qui m’entoure : ma maison, mon travail, ma famille, mes amis, et me permettent, par contradiction, de mesurer l’ampleur de la liberté que je détiens, et que je défends, pour moi et pour les autres.
C’est une dualité que j’affectionne et qui me parle.
C’est moi, double mais entière, totalement l’une ou totalement l’autre, une espèce de mystère à deux têtes que j’arrive jusqu’à aujourd’hui à faire cohabiter en parfaite harmonie.
Enfin, je crois !

Nadège BERNON
Ile de la Réunion- JUIN 2022

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