Connaissez-vous ce conte dans lequelle un maître Zen pratique la double contrainte ? Il prend un bâton et le remet à l’un de ses élèves en lui disant :
“Si tu dis que ce bâton est réel, je te frapperai avec. Si tu dis que ce bâton n’est pas réel, je te battrai avec. Est-il réel ou non ?”
Dans cette histoire, le maître zen soumet l’élève à un mécanisme qui tourne autour de 3 principes fondamentaux :

  • S’il fait l’une des actions au détriment de l’autre, il sera puni.
  • S’il ne fait aucune action, il sera puni.
  • Il ne pourra pas échapper à la situation.

Aussi longtemps que l’élève restera au même niveau de pensée que son maître, il sera bloqué. Par contre, si l’étudiant lève simplement les bras et saisit le bâton, commence à chanter avec, ou prétend “se battre à l’épée” en imposant que ce n’est pas un bâton, il sort du piège de la double contrainte.

Qu’est-ce que la double contrainte ?

Cette manipulation est souvent utilisée pour avoir le pouvoir et contrôler autrui. On la retrouve dans la vie quotidienne mais aussi dans des cas d’abus, notamment lors d’une relation où une personne est persécutée par un bourreau de type pervers.
Celui-ci, abuseur chevronné, oblige sa victime à obéir à un ordre, empêchant d’obéir à un autre ordre, celle-ci subissant des conséquences négatives quel que soit son choix. Parfois même, elle n’aura pas le choix de “ne pas choisir“, la double contrainte est une situation hautement perverse.
Dans la vie quotidienne, il s’agirait, par exemple, de recevoir deux consignes d’un supérieur hiérarchique (ou deux jugements d’un proche) qui s’opposent mutuellement. Bateson disait : « Vous êtes damné si vous le faites, vous êtes damné si vous ne le faites pas. »

Dans Astérix en Corse

Nous pouvons trouver ce dialogue savoureux mais d’une grande perversité :
Carferrix :         – Tu as parlé à ma sœur.
Sciencinfus :     – Ah ?… Je ne savais pas que…
Carferrix :         – Je n’aime pas qu’on parle à ma sœur.
Sciencinfus :     – Mais… Mais elle ne m’intéresse pas votre sœur. Je voulais simplement…
Carferrix :         – Elle ne te plaît pas ma sœur ?
Sciencinfus :     – Mais si bien sûr, elle me plaît…
Carferrix :         – Ah, Elle te plaît, ma sœur !!! Retenez-moi ou je le… 

Il s’agit donc de faire souffler le chaud et le froid au même moment, cela amuse le pervers, pas le souffre-douleur. Ce genre d’attaque est souvent récurrente, vicieuse, l’abusé en perd son latin et sa confiance en lui, se fragilisant petit à petit.

Parlons des infirmières dans les hôpitaux 

Il leur est demandé de prodiguer des soins de qualité (donc faire ce pour quoi elles ont choisi ce métier) tout en exerçant leur activité dans des conditions de travail défavorables à la qualité des soins (manque de personnel, de moyens, de reconnaissance, cumul des tâches à réaliser dans des délais de plus en plus courts, etc…).
Si l’infirmière prend soin d’un patient qualitativement et donc répond à sa nature professionnelle, elle le fera au détriment des patients suivants et de l’organisation globale de son service. Résultat, elle éprouvera, entre autres, un sentiment de frustration et de culpabilité.
De même, si elle gère avec succès un service à bout de bras dans des conditions toujours plus tendues, elle se trouve en contradiction avec son aspiration première : donner des soins de qualité. Le résultat sera sensiblement le même avec en plus un sentiment de colère et d’impuissance.
Quoi qu’elle choisisse comme réponse, notre infirmière sera tiraillée entre sa nature profonde et les contraintes de son environnement de travail. De quoi devenir folle.
De nombreux environnements de travail pratiquent aujourd’hui cette manipulation perverse.

Comment ne pas tomber dans le piège ?

Ces doubles contraintes sont à désamorcer en priorité, car rapidement, la victime perd son axe et se paralyse dans la peur, la culpabilité et la remise en question. Elle n’en sortira que par un recadrage et une lecture de la situation en prenant de la hauteur, en étant créatif, avec de l’humour si c’est possible.

La méta communication, c’est-à-dire communiquer sur la forme et non sur le contenu aidera à sortir du piège :
Voici un exemple professionnel : « Tu me demandes de finir ces 3 dossiers, alors que je suis sur le point de finir ma journée de travail, tout en me demandant de ne pas faire d’heures supplémentaires. Comment dois-je gérer ces 2 demandes contradictoires ? »
Assurez-vous, avant, que vous avez bien compris les ordres donnés et n’hésitez pas à les faire reformuler par la personne qui vous les a donnés.

Un exemple dans un cadre plus privé : « Tu me dis que tu es malheureux tout en souriant et paraissant joyeux, laquelle de ces émotions dois-je prendre en compte ? » “Tu me demandes d’être poli en m’insultant, comment dois-je me comporter au final ?”

Juste communiquer sur les faits et l’absurdité de la situation pour la dépasser. Le but est de rendre l’abuseur responsable, ouvrir une possibilité de sortie de crise, empêcher la victime de rentrer dans les justifications, remettre de la logique dans une situation saugrenue, en bref, reprendre la main. Le pervers, ayant pris un uppercut imprévu, tentera la déstabilisation, fera une pirouette, envisagera la folie probable de son souffre-douleur ou fuira. Il faudra tenir bon.

Et vous, connaissez-vous un maître de la double-contrainte ? Avez-vous déjà entendu des dialogues typiques de cette manipulation fréquente ?

A lire Mettre les pervers échec et mat Hélène Vecchiali
www.leblogdesrapportshumains.fr/la-double-contrainte-de-linfirmiere/

 

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Marie Bertolotti
desirdetre.com